A un lanceur de javelot

 

Devant tes épaules viriles
Nous songeons à Léonidas,
A ses frères Thermopyles,
Aux modèles de Phidias.

Nous songeons aux héros d'Homère
Soumis aux durs travaux de Mars
Qui maudissaient Hélène amère
Et s'invectivaient sur leurs chars.

Nous voyons, comme une nuée,
Les javelots obscurcir l'air
Avant la suprême ruée
Et la lutte chair contre chair.

Nous évoquons encor la foule,
Le cirque, les gladiateurs,
Le ruisseau de pourpre qui roule
Les vaincus comme les vainqueurs.

Nous suivons les aigles romaines
Sous les forêts où le gui dort,
Les javelots frappant les chênes
Font tomber des faucilles d'or.

Ainsi ton geste, d'âge en âge,
Se propage comme le flot.
Aujourd'hui, la paix se dégage
Quand tu lances ton javelot.

En toi revit la grande force
Des combattants du temps passé,
Mais, comme cuirasse, à ton torse,
Un simple maillot est passé.

La lumière joue avec l'ombre,
O guerrier, sur ton dos puissant,
Sois loué, ton javelot sombre
Ne fera pas jaillir le sang.

Paul Souchon

« Les chants du stade » 1923

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