Discobole
au stade Pershing
Lorsque les fêtes de l'été
Font ressembler, Paris, tes Stades
A des lacs remplis de clarté
Et leurs gradins à des cascades,
Lorsque les marronniers fleuris
Qui se penchent sur les murailles
Répercutent au ciel les cris
De ces pacifiques batailles,
Lorsque les coureurs demi-nus
Que des appels brûlants excitent
Devant le poteau sont venus
Fermer leurs ailes qui palpitent,
O Discobole, tu parais,
Et vers ton front calme s'élance
Du fond des coeurs les plus distraits
Le noble hommage du silence.
Dans la foule chacun comprend
Qu'une beauté se manifeste
Et que le monde obscur et grand
S'inscrit aux courbes de ton geste.
Quand tu balances ton palet
En l'assurant dans ta main droite,
C'est un pêcheur et ton filet
Dressés sur la mer qui miroite,
C'est l'homme aux temps les plus lointains,
Chasseur sauvage et solitaire
N'ayant pour dieux que ses instincts
Et pour seule arme que la pierre.
Mais, déjà, dans un tournoiement,
Ton disque part, plane et dévie,
Et ton corps offre à un moment
Toutes les formes de la vie.
Paul Souchon
« Les chants du stade » 1923