La Littérature et l'Athlétisme

Record de France du 400 mètres

Extrait de A vos marques- Roman de 19.. chez "Je Sers" éditeur.

par Raymond, BOISSET

Le « 400 mètres » est une course de vitesse pure, la plus dure, de toutes peut-être. Record de France (Raymond BOISSET) 47"6/10. – Le 8 juillet 1934

« Messieurs, à vos marques. » Mon cœur bat à grands coups. Je me rapproche de cette ligne de départ près de laquelle je n'osais me tenir, essayant par tous les moyens de retarder l'instant fatal qui approche inexorablement. Je sautille pour sentir une dernière fois la puissance, la souplesse de mes muscles, puis, tandis que le stade s'emplit peu à peu d'un silence croissant, je cherche ma position de départ.

« Prêts! » la voix du starter, d'un coup, a accéléré ; ces battements que déjà je trouvais trop violents. Dans le stade, on n'entend plus un bruit, l'air est si chaud qu'on ne voit pas le soleil, il semble que ce soit le ciel tout entier qui répande cette lumineuse chaleur .Pourtant, le dos horizontal, le corps bien en équilibre sur les mains, penché en avant, je sens un léger souffle sous lequel les bords de ma culotte viennent doucement battre mes cuisses. Je me sens le point de mire lointain mais précis de tous ces regards muets. Je vais prendre une grande respiration pour être prêt quand retentira le coup de pistolet.

Nous sommes partis. Je ne puis dire que j'ai été surpris, car mes jambes, mes bras se sont détendus sans perdre une fraction de seconde. Je perçois les encouragements qui fusent des tribunes à droite: « Vas-y, .Robert », « Allez, Ska », « Allez, P.U.C. ». J'allonge ma foulée, rythme ma respiration, expire fortement et reprends la cadence: deux temps, deux foulées pour inspirer, deux pour expirer. Je tire sur mes bras. Mais c'est épatant, pas fatigué du tout, bien en souffle. J'accélère encore pour sortir en pleine vitesse du virage, cet instant cruciale du 400 où les décalages vont jouer, écartant ou rapprochant les concurrents. Normalement je dois être en tête, je suis devant Robert Paul, je dois donc être nettement le premier et entrer en tête dans la ligne droite.

Oh! ce n'est pas possible! Avant même d'entrer dans la ligne droite, là, à gauche, dans le deuxième couloir, le buste appuyant chacune de ses grandes foulées, voici que Ska est apparu. Non, il ne faut pas qu'il entre le premier dans la ligne droite, il ne le faut pas !...

Il faut que je gagne, je peux gagner. Ska est toujours là à ma gauche, ses grands bras semblant venir à chaque pas toucher le sol. Plus que cinquante mètres. Je sens qu'aujourd'hui je tiendrai mon 400. Je l'ai dans les jambes, dans le cœur et dans les poumons.

Sur un nouvel effort, j’essaie de me lancer en avant. Je me rends compte à chaque fois que ma vitesse a bien diminué depuis la ligne droite du départ et que, insensiblement, Ska semble décoller. Plus que vingt mètres, plus que dix mètres. Oui, plus de doute ! Mes jambes commencent à s’alourdir, mais qu’importe ! Je suis en tête et le fil blanc est là, à quelques foulées. Je sens mon cœur battre et retentir dans ma poitrine, non pas de fatigue, mais sous le coup de l’émotion devant l’arrivée, la victoire si proche. J’ai besoin de respirer. J’ouvre la bouche toute grande, toute grande, car ce que j’aspire, ce n’est pas seulement l’air qui va emplir mes poumons, c’est le stade entier qui me paraît devoir s’engouffrer en moi….. Gagné, j’ai gagné !

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